Trois artistes victimes d’une violente agression raciste

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PaulParis
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Trois artistes victimes d’une violente agression raciste

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Vendredi soir, dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon, trois artistes internationaux invités par la Biennale de la danse – la chanteuse et chorégraphe Dorothée Munyaneza, le musicien Ben LaMar Gay et le poète Julian Knxx – ont été la cible d’une attaque raciste d’une rare violence. Insultes, coups, humiliation : leur seul tort était d’être perçus comme étrangers, noirs, donc illégitimes aux yeux d’agresseurs abreuvés de haine et de ressentiment.

Une soirée qui bascule dans la violence
La soirée devait être consacrée à l’art et au partage. Après une représentation du spectacle Version(s) à la Villa Gillet, qui interroge notamment la transmission de la violence et la vulnérabilité des corps racisés, les trois artistes se rendent dans un bar du quartier pour demander une simple adresse de restaurant ouvert tard. Là, ils tombent sur un groupe d’hommes alcoolisés qui les prennent à partie : « Sale nègre, rentre chez toi ! », « Nous, on aime Trump ! Et vous ? ». L’invective raciste s’accompagne bientôt de coups. Ben LaMar Gay est jeté au sol, Julian Knxx frappé à son tour, tandis que Dorothée Munyaneza hurle à l’aide, en larmes. Personne n’appelle la police. La scène se déroule dans l’indifférence glaçante de témoins passifs.

Les trois artistes parviennent à s’enfuir, trouvent refuge dans un VTC, puis finissent aux urgences. Ben LaMar Gay repart avec une attelle à la cheville et une incapacité temporaire de travail.

Quand la haine s’invite dans la ville des Lumières
Cette agression n’est pas un fait divers isolé : elle s’inscrit dans un climat délétère où le racisme, loin d’avoir reculé, se banalise et se revendique à visage découvert. Entendre, en plein cœur de Lyon, capitale des Lumières et du cosmopolitisme, des slogans racistes assortis de références à Donald Trump, n’est pas anodin : c’est le signe d’une contagion idéologique. Le trumpisme, le lepénisme, les discours de haine prolifèrent désormais dans l’espace public français, libérés par les surenchères identitaires et les silences complices d’une partie des élites politiques et médiatiques.

La scène est d’autant plus insupportable qu’elle touche des artistes venus porter la voix de la résistance et de la mémoire. Dorothée Munyaneza, née au Rwanda, fait de son art une arme contre l’oubli des génocides, des violences coloniales et sexistes. Ben LaMar Gay, musicien de Chicago, explore les héritages afro-américains et les luttes pour la dignité. Julian Knxx, poète et cinéaste, travaille sur les diasporas noires et les récits de l’exil. Trois trajectoires marquées par la résilience, venues enrichir Lyon de leur talent et de leur présence.

La culture comme rempart, malgré tout
Au lendemain de l’agression, les trois artistes ont trouvé la force de monter à nouveau sur scène. Dorothée Munyaneza s’est produite avec l’écrivain Mohamed Mbougar Sarr pour une rencontre intitulée « Faire place aux corps nouveaux ». L’émotion était palpable. « On parle souvent de la violence faite aux corps racisés ; là, c’était la réalité brute qui s’invitait », témoigne Chloé Siganos, du Centre Pompidou.

Cet acte de résistance artistique est à saluer. Mais il ne saurait occulter la gravité de l’événement : la violence raciste frappe, encore et encore, au cœur de nos villes. Elle vise non seulement des individus, mais aussi ce que leurs corps incarnent : l’ouverture, la diversité, la possibilité de dire autrement le monde.

Une réponse politique et citoyenne nécessaire
Le maire de Lyon, Grégory Doucet, a réagi en condamnant fermement l’agression et en réaffirmant les valeurs humanistes de la ville. Mais au-delà des mots, il faut des actes : des moyens accrus pour protéger les minorités, un soutien concret aux artistes et aux lieux culturels qui ouvrent des espaces de dialogue, des politiques publiques qui combattent frontalement le racisme et les idéologies d’extrême droite.

Car la réalité est là : ce sont les discours de haine qui nourrissent les coups. Ceux qui parlent de « grand remplacement », qui hurlent contre les « wokes » et fantasment des « invasions » ouvrent un boulevard aux agresseurs de Lyon. L’extrême droite avance, et avec elle la banalisation du racisme le plus primaire.

Face à cela, la société doit se tenir aux côtés des victimes. La culture, en particulier, joue un rôle crucial : elle ouvre des brèches, déjoue les stéréotypes, donne une voix à celles et ceux qu’on voudrait réduire au silence. La Biennale de la danse de Lyon, en maintenant ses spectacles, affirme cette nécessité de résister par l’art.

Ne pas détourner le regard
Ce qui s’est passé à Lyon n’est pas une parenthèse : c’est un révélateur. Le racisme n’est pas un accident, mais un système qui continue d’imprégner nos espaces publics, nos institutions, nos imaginaires. Les artistes agressés vendredi en ont payé le prix, mais combien d’anonymes subissent chaque jour insultes, violences ou humiliations sans que cela n’émeuve les consciences ?

Il est urgent de refuser l’accoutumance. Urgent de rappeler que le racisme n’est pas une opinion, mais un crime. Urgent de soutenir celles et ceux qui, par leur art, leur lutte ou leur simple présence, incarnent une société plurielle et vivante.

À Lyon, vendredi soir, la haine a frappé. Mais dès le lendemain, la culture s’est relevée. Et dans ce geste, il y a une leçon : la haine détruit, mais l’art, la mémoire et la solidarité reconstruisent. Encore faut-il que toute la société, et pas seulement quelques artistes courageux, se tienne debout face au racisme.

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