MOTÖRHEAD au 13 heures de TF1
Posté : 03 sept. 2025, 03:28
Ce mercredi 11 février 1987, MOTÖRHEAD s’invite dans un décor pour le moins inhabituel : le Journal de 13 heures de TF1, en direct des studios de Cognacq-Jay. Cette opération de promotion aussi osée qu’inattendue est le fruit de l’incroyable détermination de Michaël Gentile et Hervé Deplasse, manager du groupe chez MUSIDISC, distributeur français du label anglais GWR. Ce dernier avait été fondé en 1986 par les anciens managers de MOTÖRHEAD, à la suite de la faillite de Bronze Records et du rachat du contrat du groupe. Quelques mois plus tard, Deplasse convaincra d’ailleurs Lemmy de prêter sa voix sur “Ringolevio”, l’album du rocker havrais Robert “Little Bob” Piazza et de son groupe LITTLE BOB STORY, lui aussi distribué par MUSIDISC.
En ce début d’année 1987, MOTÖRHEAD est en pleine promotion d’"Orgasmatron", sorti l’été précédent : leur premier album studio depuis 1983, symbole d’un retour aux choses sérieuses après de longs et fatigants déboires contractuels. Le groupe se présente alors dans une configuration encore récente : un quatuor avec Phil Campbell et Würzel aux guitares, aux côtés de Lemmy et Pete Gill. Cette formule à quatre, née en 1984, perdurera jusqu’en 1995 et le départ de Würzel (décédé en 2011), marquant une longue parenthèse dans une carrière presque toujours menée en trio.
La veille, la Mutualité de Paris avait tremblé sous leurs décibels : un concert pied au plancher, sponsorisé par Hard Rock Magazine, devenu en quelques années LE magazine préféré des adeptes du Heavy Metal. Le lendemain, changement radical d’univers : les quatre pistoleros débarquent sur le plateau du JT le plus regardé de France après une nuit qu’on devine courte. À leur grande surprise, ils découvrent, au dernier moment, qu’ils devront se produire en playback — une contrainte qui passe mal auprès d’un groupe réputé pour son authenticité et son attitude "no fucks given". MOTÖRHEAD n’en est certes pas à son premier playback, mais Lemmy et sa bande renâclent toujours à l’exercice. Dans le public et autour du plateau, quelques figures de la presse Hard d’alors : Jean-Pierre Sabouret et Isabelle Saupiquet pour Hard Rock Magazine ainsi que le photographe Bertrand Alary, venu immortaliser l’instant sous son objectif. En coulisses, Jean-Pierre Blouin et Michel Borget — ex-financiers de Metal Attack, disparu un an plus tôt — assistent eux aussi à cette séquence qui marquera tous les Hardos de France présents devant l’écran et refera surface 30 ans plus tard, à la mort de Lemmy.
En coulisses, l’ex-HAWKWIND s’accorde d’abord une sieste éclair, affalé dans un coin, avant de se réveiller avec un rail de speed — la routine pour lui. Une fois sur le plateau, fidèle à son humour grinçant, il choisit de se jouer des contraintes du playback : “Built for Speed” est surjoué comme tout playback, guitares débranchées mais agitées dans tous les sens, lunettes noires vissées sur le nez pour Lemmy, qu'on voit rarement les cheveux attachés. Les réponses aux questions de Mourousi sont livrées par le frontman avec une certaine malice et quelques moqueries sont même glissées dans le dos du présentateur vedette. Lemmy arrive également à convaincre Marie-Laure Augry, l’éternelle comparse de Mourousi, d’enfiler un t-shirt Orgasmatron par-dessus son chemisier impeccable. Beau coup de pub en direct !
Ce 11 février n’est pas anodin : c’est aussi le jour où le magnat du béton Bouygues dépose officiellement sa candidature pour le rachat de la première chaîne, dont la privatisation est une question de mois. Après l’émission, Yves Mourousi se prêtera au jeu d’une photo improbable : casque de chantier sur la tête, posant à côté de MOTÖRHEAD avec Marie-Laure Augry. Le gimmick, qu’il réutilisera plus tard lorsque la privatisation sera entérinée, irritera d’ailleurs Patrick Le Lay au point qu’il contribuera à l’éviction du présentateur de la chaîne, avec toutefois un gros chèque en poche.
Il faut dire qu’Yves Mourousi, star du JT en déclin à la fin des années 1980, est un cas à part dans ce paysage télévisuel peuplé de gendres idéaux aux sourires impeccables: mondain flamboyant, il mène une vie privée rock’n’roll faite de nuits blanches aux Bains Douches, d’alcool (et de drogues, dit-on) et de virées dans les clubs gays parisiens. Face à Lemmy, il se montre à l’aise et ne feint pas sa satisfaction de le recevoir en direct : son anglais est décent, il s’est bien renseigné sur le groupe même s’il écorche "Bomber" (il le réalisera et se rattrapera) et détourne le fameux slogan « If Motörhead moved in next door to you, your lawn would die » en l’attribuant à la supposée nullité du pauvre Lucas Fox, tout premier batteur du groupe. Amusé, Lemmy joue le jeu des questions parfois lourdingues qui lui sont posées : à la demande d’une phrase en français, il lâche un « Un bourbon avec du coca, s’il vous plaît » avant d’évoquer les strip-teaseuses (“où sont les femmes dansantes ?"), dont il apprécie la compagnie en tournée (et ailleurs !).
Quand vient enfin le moment du playback, Mourousi lance aux téléspectateurs : « Gardez vos bouteilles de bière ! » — à 13 heures, alors que les enfants et adolescents qui n’ont pas école l’après-midi le regardent. Pete Gill mime la batterie avec une (h)ardeur toute relative sur le plateau et pour cause : ce sera son ultime apparition publique avec MOTÖRHEAD, Philthy « Animal » Taylor reprenant bientôt le tabouret qu’il a quitté après “Another Perfect Day”. L’ex-SAXON n’aura pas trouvé sa place dans un groupe où Lemmy reste le maître incontesté.
Le groupe reviendra la même année sur les écrans français, grâce au travail acharné de son distributeur français : d’abord chez Christophe Dechavanne dans "C’est encore mieux l’après-midi", puis dans la toute nouvelle émission “Rapido” d’Antoine de Caunes, pour sa 10e édition. Cette fois, le ton irrévérencieux du jeune De Caunes colle parfaitement à leur image et Lemmy se paiera les DEPECHE MODE, dont il raille l'incapacité à jouer correctement d’un instrument. Clin d’œil ultime : au générique de fin, Antoine de Caunes apparaît sous le surnom de "Hardos".
En ce début d’année 1987, MOTÖRHEAD est en pleine promotion d’"Orgasmatron", sorti l’été précédent : leur premier album studio depuis 1983, symbole d’un retour aux choses sérieuses après de longs et fatigants déboires contractuels. Le groupe se présente alors dans une configuration encore récente : un quatuor avec Phil Campbell et Würzel aux guitares, aux côtés de Lemmy et Pete Gill. Cette formule à quatre, née en 1984, perdurera jusqu’en 1995 et le départ de Würzel (décédé en 2011), marquant une longue parenthèse dans une carrière presque toujours menée en trio.
La veille, la Mutualité de Paris avait tremblé sous leurs décibels : un concert pied au plancher, sponsorisé par Hard Rock Magazine, devenu en quelques années LE magazine préféré des adeptes du Heavy Metal. Le lendemain, changement radical d’univers : les quatre pistoleros débarquent sur le plateau du JT le plus regardé de France après une nuit qu’on devine courte. À leur grande surprise, ils découvrent, au dernier moment, qu’ils devront se produire en playback — une contrainte qui passe mal auprès d’un groupe réputé pour son authenticité et son attitude "no fucks given". MOTÖRHEAD n’en est certes pas à son premier playback, mais Lemmy et sa bande renâclent toujours à l’exercice. Dans le public et autour du plateau, quelques figures de la presse Hard d’alors : Jean-Pierre Sabouret et Isabelle Saupiquet pour Hard Rock Magazine ainsi que le photographe Bertrand Alary, venu immortaliser l’instant sous son objectif. En coulisses, Jean-Pierre Blouin et Michel Borget — ex-financiers de Metal Attack, disparu un an plus tôt — assistent eux aussi à cette séquence qui marquera tous les Hardos de France présents devant l’écran et refera surface 30 ans plus tard, à la mort de Lemmy.
En coulisses, l’ex-HAWKWIND s’accorde d’abord une sieste éclair, affalé dans un coin, avant de se réveiller avec un rail de speed — la routine pour lui. Une fois sur le plateau, fidèle à son humour grinçant, il choisit de se jouer des contraintes du playback : “Built for Speed” est surjoué comme tout playback, guitares débranchées mais agitées dans tous les sens, lunettes noires vissées sur le nez pour Lemmy, qu'on voit rarement les cheveux attachés. Les réponses aux questions de Mourousi sont livrées par le frontman avec une certaine malice et quelques moqueries sont même glissées dans le dos du présentateur vedette. Lemmy arrive également à convaincre Marie-Laure Augry, l’éternelle comparse de Mourousi, d’enfiler un t-shirt Orgasmatron par-dessus son chemisier impeccable. Beau coup de pub en direct !
Ce 11 février n’est pas anodin : c’est aussi le jour où le magnat du béton Bouygues dépose officiellement sa candidature pour le rachat de la première chaîne, dont la privatisation est une question de mois. Après l’émission, Yves Mourousi se prêtera au jeu d’une photo improbable : casque de chantier sur la tête, posant à côté de MOTÖRHEAD avec Marie-Laure Augry. Le gimmick, qu’il réutilisera plus tard lorsque la privatisation sera entérinée, irritera d’ailleurs Patrick Le Lay au point qu’il contribuera à l’éviction du présentateur de la chaîne, avec toutefois un gros chèque en poche.
Il faut dire qu’Yves Mourousi, star du JT en déclin à la fin des années 1980, est un cas à part dans ce paysage télévisuel peuplé de gendres idéaux aux sourires impeccables: mondain flamboyant, il mène une vie privée rock’n’roll faite de nuits blanches aux Bains Douches, d’alcool (et de drogues, dit-on) et de virées dans les clubs gays parisiens. Face à Lemmy, il se montre à l’aise et ne feint pas sa satisfaction de le recevoir en direct : son anglais est décent, il s’est bien renseigné sur le groupe même s’il écorche "Bomber" (il le réalisera et se rattrapera) et détourne le fameux slogan « If Motörhead moved in next door to you, your lawn would die » en l’attribuant à la supposée nullité du pauvre Lucas Fox, tout premier batteur du groupe. Amusé, Lemmy joue le jeu des questions parfois lourdingues qui lui sont posées : à la demande d’une phrase en français, il lâche un « Un bourbon avec du coca, s’il vous plaît » avant d’évoquer les strip-teaseuses (“où sont les femmes dansantes ?"), dont il apprécie la compagnie en tournée (et ailleurs !).
Quand vient enfin le moment du playback, Mourousi lance aux téléspectateurs : « Gardez vos bouteilles de bière ! » — à 13 heures, alors que les enfants et adolescents qui n’ont pas école l’après-midi le regardent. Pete Gill mime la batterie avec une (h)ardeur toute relative sur le plateau et pour cause : ce sera son ultime apparition publique avec MOTÖRHEAD, Philthy « Animal » Taylor reprenant bientôt le tabouret qu’il a quitté après “Another Perfect Day”. L’ex-SAXON n’aura pas trouvé sa place dans un groupe où Lemmy reste le maître incontesté.
Le groupe reviendra la même année sur les écrans français, grâce au travail acharné de son distributeur français : d’abord chez Christophe Dechavanne dans "C’est encore mieux l’après-midi", puis dans la toute nouvelle émission “Rapido” d’Antoine de Caunes, pour sa 10e édition. Cette fois, le ton irrévérencieux du jeune De Caunes colle parfaitement à leur image et Lemmy se paiera les DEPECHE MODE, dont il raille l'incapacité à jouer correctement d’un instrument. Clin d’œil ultime : au générique de fin, Antoine de Caunes apparaît sous le surnom de "Hardos".