Affaire Aramburu : quand l’extrême droite tue
Posté : 27 oct. 2025, 21:12
Le procès de la haine
Le 19 mars 2022, à Paris, l’ancien international de rugby argentin Federico Martín Aramburu tombait sous les balles de militants d’extrême droite. Trois ans plus tard, la justice s’apprête enfin à juger les assassins.
Mais derrière ce procès, c’est toute une génération de militants nationalistes violents qui se retrouve face au miroir de ses actes — une génération née dans les marges radicales de la droite identitaire, encouragée, banalisée, légitimée par un climat politique devenu complaisant à l’égard de la haine.
Le procès d’une idéologie
Le procès de Loïk Le Priol et Romain Bouvier, anciens du Groupe Union Défense (GUD), se tiendra du 7 au 25 septembre 2026 devant la cour d’assises de Paris.
Le Priol sera jugé pour assassinat, Bouvier pour tentative d’assassinat, tandis que Lyson R., compagne du premier, devra répondre de complicité, accusée d’avoir conduit les tireurs dans la nuit du drame.
Un quatrième homme, Anthony R., sera jugé pour recel de malfaiteur et soustraction d’objet afin de faire obstacle à la vérité.
Les faits sont connus, mais ils méritent d’être rappelés — car la mémoire s’érode vite, surtout quand elle dérange.
Un matin de mars, la haine en bandoulière
Le 19 mars 2022, au petit matin, sur le boulevard Saint-Germain à Paris, Federico Martín Aramburu, 42 ans, ancien joueur de l’équipe nationale d’Argentine (22 sélections), partage un verre avec un ami, Shaun Hegarty, lui aussi rugbyman.
Les deux hommes devaient se rendre le soir même au Stade de France pour assister à France–Angleterre, lors du Tournoi des Six Nations.
Mais une altercation éclate avec deux individus attablés en terrasse : Loïk Le Priol et Romain Bouvier, deux militants d’extrême droite, passés par les rangs du GUD, ce mouvement étudiant ultra-nationaliste, violent, raciste, dissous depuis.
Les insultes fusent. Le ton monte. Aramburu et Hegarty quittent les lieux.
Quelques minutes plus tard, les deux militants les suivent en voiture. Ils les retrouvent.
Le Priol tire. Dans le dos.
Aramburu s’effondre, touché mortellement.
Les assassins prennent la fuite.
Des tueurs d’extrême droite, pas des "égarés"
Dans les jours qui suivent, Le Priol s’enfuit à travers l’Europe, jusqu’en Hongrie, où il est arrêté alors qu’il tente de rejoindre l’Ukraine, prétextant vouloir s’y engager comme « volontaire ».
Une fuite absurde, mais symbolique : ces hommes vivaient dans un fantasme guerrier, nourri de nationalisme et de virilité violente.
Le Priol et Bouvier ne sont pas des marginaux isolés.
Ils appartiennent à cette constellation identitaire française, issue du GUD, de Génération Identitaire et d’autres groupuscules d’extrême droite radicale, pour qui la violence est une méthode politique.
Des hommes jeunes, blancs, se rêvant soldats d’une guerre civilisationnelle.
Le GUD, né dans les années 1960, s’est rendu tristement célèbre pour ses agressions d’étudiants de gauche, ses ratonnades et son culte de la force. Dissous, renaissant sans cesse sous d’autres noms, il a enfanté des générations de militants ultraviolents.
Le Priol et Bouvier en sont les héritiers directs.
Déjà condamnés, déjà violents
Ce n’était pas leur premier passage devant la justice.
En 2015, ils avaient déjà été condamnés à deux et trois ans de prison pour avoir passé à tabac un ancien ami — lui aussi ex-dirigeant du GUD — dans une scène de sadisme organisée.
C’est dire si la violence était dans leur ADN politique.
Leur procès de 2026 sera l’occasion de rappeler que ces violences d’extrême droite n’ont jamais disparu, qu’elles se perpétuent dans les marges mais aussi à visage découvert, parfois tolérées, parfois banalisées par une partie du discours politique français.
Un assassinat politique
Aramburu n’a pas été tué par hasard.
Il a été tué par idéologie.
Parce qu’il était étranger. Parce qu’il n’était pas de leur camp. Parce qu’ils voulaient affirmer leur haine, dans la rue, comme sur un champ de bataille fantasmé.
Dans les heures qui ont suivi sa mort, le monde du rugby s’est uni dans l’émotion. À Biarritz, où il vivait, des centaines de personnes ont rendu hommage à « un homme de conviction, généreux, engagé ».
Mais l’émotion ne suffit plus.
Car ce meurtre est le fruit d’un terreau politique, celui d’une extrême droite qui, depuis des années, reconstruit sa légitimité dans le débat public.
L’impunité d’un climat
Comment ces hommes, connus pour leur violence, condamnés, surveillés, ont-ils pu se promener armés dans les rues de Paris ?
Comment a-t-on laissé proliférer des groupuscules néonazis, des sections identitaires, des clubs de boxe paramilitaires, sans réagir ?
Les dissolutions administratives se succèdent, mais les réseaux se reforment aussitôt.
Les symboles changent, pas les visages.
Les discours de haine prospèrent, relayés sur les plateaux télé, normalisés par certains responsables politiques qui flirtent avec la rhétorique identitaire.
Quand les mots de haine circulent librement, les balles ne sont jamais loin.
La dérive d’une France qui ferme les yeux
Le procès de septembre 2026 ne sera pas seulement celui de Le Priol et de Bouvier.
Ce sera celui d’une violence idéologique encouragée par le silence, nourrie par la banalisation du discours raciste et autoritaire.
La France a connu dans les années 1980 les meurtres racistes d’Aubervilliers, de Vitry, de Dreux.
Quarante ans plus tard, l’histoire bégaie.
Et pourtant, les mêmes causes produisent les mêmes effets :
l’indifférence, la complaisance, et la peur de nommer les choses.
Ce n’est pas un fait divers.
C’est un fait politique.
Justice, mémoire et vigilance
Quand le procès s’ouvrira à Paris, en septembre 2026, il faudra plus que des condamnations.
Il faudra regarder en face ce que cet assassinat dit de nous.
De cette France qui tolère la haine au nom du « débat d’idées ».
De ces médias qui invitent des militants d’extrême droite pour « équilibrer le débat ».
De cette société qui s’indigne de la violence... mais ferme les yeux sur ceux qui la préparent.
Federico Martín Aramburu n’était pas une cible politique. Il est devenu un symbole : celui d’une dérive qui transforme les idéologues en assassins.
Et si la justice doit passer, la société, elle, doit se réveiller.
Le 19 mars 2022, à Paris, l’ancien international de rugby argentin Federico Martín Aramburu tombait sous les balles de militants d’extrême droite. Trois ans plus tard, la justice s’apprête enfin à juger les assassins.
Mais derrière ce procès, c’est toute une génération de militants nationalistes violents qui se retrouve face au miroir de ses actes — une génération née dans les marges radicales de la droite identitaire, encouragée, banalisée, légitimée par un climat politique devenu complaisant à l’égard de la haine.
Le procès d’une idéologie
Le procès de Loïk Le Priol et Romain Bouvier, anciens du Groupe Union Défense (GUD), se tiendra du 7 au 25 septembre 2026 devant la cour d’assises de Paris.
Le Priol sera jugé pour assassinat, Bouvier pour tentative d’assassinat, tandis que Lyson R., compagne du premier, devra répondre de complicité, accusée d’avoir conduit les tireurs dans la nuit du drame.
Un quatrième homme, Anthony R., sera jugé pour recel de malfaiteur et soustraction d’objet afin de faire obstacle à la vérité.
Les faits sont connus, mais ils méritent d’être rappelés — car la mémoire s’érode vite, surtout quand elle dérange.
Un matin de mars, la haine en bandoulière
Le 19 mars 2022, au petit matin, sur le boulevard Saint-Germain à Paris, Federico Martín Aramburu, 42 ans, ancien joueur de l’équipe nationale d’Argentine (22 sélections), partage un verre avec un ami, Shaun Hegarty, lui aussi rugbyman.
Les deux hommes devaient se rendre le soir même au Stade de France pour assister à France–Angleterre, lors du Tournoi des Six Nations.
Mais une altercation éclate avec deux individus attablés en terrasse : Loïk Le Priol et Romain Bouvier, deux militants d’extrême droite, passés par les rangs du GUD, ce mouvement étudiant ultra-nationaliste, violent, raciste, dissous depuis.
Les insultes fusent. Le ton monte. Aramburu et Hegarty quittent les lieux.
Quelques minutes plus tard, les deux militants les suivent en voiture. Ils les retrouvent.
Le Priol tire. Dans le dos.
Aramburu s’effondre, touché mortellement.
Les assassins prennent la fuite.
Des tueurs d’extrême droite, pas des "égarés"
Dans les jours qui suivent, Le Priol s’enfuit à travers l’Europe, jusqu’en Hongrie, où il est arrêté alors qu’il tente de rejoindre l’Ukraine, prétextant vouloir s’y engager comme « volontaire ».
Une fuite absurde, mais symbolique : ces hommes vivaient dans un fantasme guerrier, nourri de nationalisme et de virilité violente.
Le Priol et Bouvier ne sont pas des marginaux isolés.
Ils appartiennent à cette constellation identitaire française, issue du GUD, de Génération Identitaire et d’autres groupuscules d’extrême droite radicale, pour qui la violence est une méthode politique.
Des hommes jeunes, blancs, se rêvant soldats d’une guerre civilisationnelle.
Le GUD, né dans les années 1960, s’est rendu tristement célèbre pour ses agressions d’étudiants de gauche, ses ratonnades et son culte de la force. Dissous, renaissant sans cesse sous d’autres noms, il a enfanté des générations de militants ultraviolents.
Le Priol et Bouvier en sont les héritiers directs.
Déjà condamnés, déjà violents
Ce n’était pas leur premier passage devant la justice.
En 2015, ils avaient déjà été condamnés à deux et trois ans de prison pour avoir passé à tabac un ancien ami — lui aussi ex-dirigeant du GUD — dans une scène de sadisme organisée.
C’est dire si la violence était dans leur ADN politique.
Leur procès de 2026 sera l’occasion de rappeler que ces violences d’extrême droite n’ont jamais disparu, qu’elles se perpétuent dans les marges mais aussi à visage découvert, parfois tolérées, parfois banalisées par une partie du discours politique français.
Un assassinat politique
Aramburu n’a pas été tué par hasard.
Il a été tué par idéologie.
Parce qu’il était étranger. Parce qu’il n’était pas de leur camp. Parce qu’ils voulaient affirmer leur haine, dans la rue, comme sur un champ de bataille fantasmé.
Dans les heures qui ont suivi sa mort, le monde du rugby s’est uni dans l’émotion. À Biarritz, où il vivait, des centaines de personnes ont rendu hommage à « un homme de conviction, généreux, engagé ».
Mais l’émotion ne suffit plus.
Car ce meurtre est le fruit d’un terreau politique, celui d’une extrême droite qui, depuis des années, reconstruit sa légitimité dans le débat public.
L’impunité d’un climat
Comment ces hommes, connus pour leur violence, condamnés, surveillés, ont-ils pu se promener armés dans les rues de Paris ?
Comment a-t-on laissé proliférer des groupuscules néonazis, des sections identitaires, des clubs de boxe paramilitaires, sans réagir ?
Les dissolutions administratives se succèdent, mais les réseaux se reforment aussitôt.
Les symboles changent, pas les visages.
Les discours de haine prospèrent, relayés sur les plateaux télé, normalisés par certains responsables politiques qui flirtent avec la rhétorique identitaire.
Quand les mots de haine circulent librement, les balles ne sont jamais loin.
La dérive d’une France qui ferme les yeux
Le procès de septembre 2026 ne sera pas seulement celui de Le Priol et de Bouvier.
Ce sera celui d’une violence idéologique encouragée par le silence, nourrie par la banalisation du discours raciste et autoritaire.
La France a connu dans les années 1980 les meurtres racistes d’Aubervilliers, de Vitry, de Dreux.
Quarante ans plus tard, l’histoire bégaie.
Et pourtant, les mêmes causes produisent les mêmes effets :
l’indifférence, la complaisance, et la peur de nommer les choses.
Ce n’est pas un fait divers.
C’est un fait politique.
Justice, mémoire et vigilance
Quand le procès s’ouvrira à Paris, en septembre 2026, il faudra plus que des condamnations.
Il faudra regarder en face ce que cet assassinat dit de nous.
De cette France qui tolère la haine au nom du « débat d’idées ».
De ces médias qui invitent des militants d’extrême droite pour « équilibrer le débat ».
De cette société qui s’indigne de la violence... mais ferme les yeux sur ceux qui la préparent.
Federico Martín Aramburu n’était pas une cible politique. Il est devenu un symbole : celui d’une dérive qui transforme les idéologues en assassins.
Et si la justice doit passer, la société, elle, doit se réveiller.