Monique Pelletier

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PaulParis
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Monique Pelletier

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Monique Pelletier, une pionnière du droit des femmes s’éteint, la République lui doit beaucoup

Engagement, courage et réformes : retour sur le parcours d’une femme qui a façonné la lutte pour l’égalité en France.

Elle fut de ces femmes qui ont ouvert la voie, dans un monde politique encore verrouillé par les hommes. Monique Pelletier, ancienne ministre à la Condition féminine sous Valéry Giscard d’Estaing, est décédée ce dimanche 19 octobre à l’âge de 99 ans, à Neuilly-sur-Seine.
L’annonce de sa disparition, confirmée par le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a suscité une vague d’émotion dans le pays. Et pour cause : son nom est indissociable de la criminalisation du viol, de la pérennisation de la loi Veil sur l’IVG, et d’une vision résolument moderne du rôle des femmes dans la société.

Une femme de conviction dans un monde d’hommes

Née à Trouville-sur-Mer (Calvados), Monique Pelletier a mené sa carrière avec une détermination rare. Avocate de formation, elle entra tardivement en politique, mais marqua durablement son passage au gouvernement. Entre 1978 et 1981, elle occupa successivement les postes de ministre déléguée à la Condition féminine, puis à la Condition féminine et aux Familles.

Dans ces années où la parole des femmes était encore bridée, Pelletier fit irruption comme une voix libre, décidée à bousculer les traditions.
À son initiative, le viol fut enfin reconnu comme un crime, et non plus un simple délit. Cette avancée, arrachée au prix d’un long combat contre les inerties politiques, a marqué un tournant majeur dans la reconnaissance du corps des femmes comme territoire de droit, et non d’impunité.

Elle fut aussi de celles qui se sont battues pour sauver la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, votée en 1975 à titre temporaire. Grâce à son action, cette loi fut pérennisée et consolidée, garantissant un droit que beaucoup de forces politiques – déjà à l’époque – rêvaient d’abroger.

L’alliance discrète mais puissante avec Simone Veil

On se souvient de l’image de Monique Pelletier, aux Invalides en 2017, lors de l’hommage national à Simone Veil.
Deux femmes d’un centre droit républicain, unies au-delà des clivages, par une même conviction : l’émancipation des femmes ne se négocie pas.
Elles incarnaient une génération de pionnières – avec Françoise Giroud notamment – qui, dans un monde politique encore corseté par le patriarcat, ont imposé leur parole et leurs réformes.

Leur féminisme n’était pas celui des slogans, mais celui du travail législatif, du courage, de la patience et de la résistance à la condescendance masculine.
Pelletier savait que le féminisme institutionnel n’était qu’une étape : les lois ne suffisent pas si la société, les mentalités et les structures de pouvoir restent inchangées.

Une militante de l’égalité avant l’heure

Dès 1979, Monique Pelletier fit adopter au Conseil des ministres un ensemble de "cinq mesures en faveur des femmes", dont l’une prévoyait l’instauration de quotas féminins sur les listes électorales.
Un projet révolutionnaire pour son temps.
Malgré son adoption par l’Assemblée nationale en 1980, il fut bloqué au Sénat – symbole des résistances persistantes au partage du pouvoir politique.
Ce texte ne verra jamais le jour, mais il préfigurait déjà les débats sur la parité en politique et sur la représentation des femmes dans les instances de décision.

Pelletier en sortit blessée, mais jamais découragée.
Elle affirmait alors :
« Les femmes doivent être là où se décident les lois, les budgets, les priorités. Tant qu’elles n’y sont pas, l’égalité reste un mot creux. »

De la politique au Conseil constitutionnel : la continuité d’un engagement

En 2000, Jacques Chirac la nomma au Conseil constitutionnel, où elle siégera jusqu’en 2004, succédant à Roland Dumas.
Même à ce poste institutionnel, Pelletier resta fidèle à ses convictions : la défense de la dignité humaine, l’égalité devant la loi, et la lutte contre toutes les formes d’abus de pouvoir.

Sa lucidité politique ne s’émoussa jamais. En 2016, elle signa une tribune courageuse dénonçant l’impunité du harcèlement sexuel au Sénat, révélant avoir elle-même été agressée par un parlementaire, trente-sept ans plus tôt.
Un geste d’une puissance symbolique rare, qui contribua à briser l’omerta sur les violences sexistes dans les lieux de pouvoir.

Une voix libre jusqu’à la fin

Jusqu’à un âge avancé, Monique Pelletier resta active. Sur son compte X (ex-Twitter), elle dénonçait le scandale des Ehpad, s’indignait du sort réservé aux femmes battues, et appelait à la vigilance face aux reculs sociaux.
En 2019, elle déclarait dans Le Point :
« Il reste beaucoup de progrès à faire, mais surtout beaucoup à préserver. Les droits des femmes sont fragiles. Rien n’est jamais acquis. »

Cette phrase résonne aujourd’hui avec une acuité tragique, dans une période où la montée des conservatismes menace à nouveau les libertés conquises.

Une héritière du féminisme républicain

Si Monique Pelletier appartenait à une famille politique différente de celle de nombreuses militantes féministes de gauche, ses combats transcendaient les étiquettes partisanes.
Elle croyait à la République sociale, à la justice, à l’universalité de la loi.
Elle savait que l’égalité réelle ne se décrète pas : elle se construit, par la lutte, la pédagogie et la vigilance collective.

Son parcours rappelle combien les droits fondamentaux — droit à disposer de son corps, droit à la dignité, droit à la sécurité — sont le fruit de batailles politiques concrètes, souvent menées dans l’indifférence générale.

Une disparition qui nous interroge

La mort de Monique Pelletier intervient dans un moment de tension politique, où les forces réactionnaires et les idéologies d’exclusion gagnent du terrain.
Son héritage impose une question : que reste-t-il aujourd’hui de cette promesse d’égalité qu’elle portait ?

Alors que les violences faites aux femmes augmentent, que les inégalités salariales persistent et que des voix appellent à “réviser” les droits acquis, le message de Monique Pelletier demeure brûlant d’actualité :
les droits ne se défendent pas en silence.

Une mémoire à honorer, un combat à poursuivre

Au-delà des hommages officiels, la République devrait se souvenir de ce que Monique Pelletier a incarné : la justice, la solidarité, la ténacité face à la misogynie institutionnelle.
Elle a démontré qu’une femme pouvait transformer la loi, l’État, et même les mentalités — à condition de ne jamais plier.

Son nom mérite de figurer parmi celles et ceux qui ont fait avancer la France vers plus d’égalité.
Dans une époque où la mémoire des luttes s’efface trop vite, son exemple doit rester un repère et un avertissement : les droits des femmes ne sont pas des concessions de la République, mais une conquête populaire, fragile et réversible.

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Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais.
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