Oui, vous avez bien lu. Depuis quelques jours, les pelleteuses sont à l’œuvre sur l’aile Est du bâtiment le plus symbolique des États-Unis.
Sous la présidence de Franklin D. Roosevelt, cette aile avait été agrandie en 1942 pour accueillir les bureaux de la Première Dame et dissimuler un bunker secret : le centre d’opérations d’urgence présidentielle, construit pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est cette partie-là, chargée d’histoire et d’une valeur patrimoniale inestimable, que Donald Trump a choisi de faire démolir pour lancer la construction… d’une salle de bal !
Un vaste espace de près de 8 000 m², capable d’accueillir jusqu’à un millier d’invités selon lui, où se tiendront réceptions et dîners de prestige entre puissants. L’ancien président, simple locataire des lieux, affirme qu’il « corrige une erreur historique », estimant que « la Maison-Blanche n’a jamais eu la salle de bal qu’elle méritait ». Le projet, selon la version officielle, serait financé par Trump lui-même. Dans les faits, plusieurs grands groupes et milliardaires se cachent derrière ce financement « privé », dans l’espoir évident d’un retour sur investissement.
Ce n’est pas la première fois que Donald Trump imprime son style sur les lieux. Il y a peu, il avait déjà fait ajouter des moulures dorées, des cadres plaqués or et d’imposantes tentures dans le Bureau ovale, transformant la sobriété classique du lieu en décor d’hôtel de luxe. Cette fois, il va plus loin : il s’attaque directement à la structure historique du bâtiment, à ce morceau d’histoire qui abrite encore les traces de la présidence Roosevelt et le souvenir de la Seconde Guerre mondiale.
Une page d’histoire se raye, au nom de la mise en scène du pouvoir. Le symbole est fort : la maison du peuple américain devient, lentement mais sûrement, le théâtre personnel d’un dirigeant qui se rêve en monarque doré. Et en parlant de monarchie, Trump vient de poster sur ses réseaux une vidéo où il se proclame président à vie. Il l’avait d’ailleurs promis pendant sa campagne : « Si je gagne, vous n’aurez plus jamais à voter. » C’est en bonne voie.
À l’heure où les inégalités explosent dans le pays, où la crise climatique frappe de plein fouet, où les infrastructures publiques tombent en ruine, où des milliers de personnes ne peuvent pas se soigner, un président milliardaire décide de bâtir une salle de bal pour riches convives. Une salle de bal dorée, dans une Maison-Blanche remodelée à son image, où la soif de pognon est la valeur centrale. Idiocratie n’aurait pas imaginé mieux comme expression de la vacuité.
Ce geste nous parle d’une époque où le pouvoir politique se confond de plus en plus avec le spectacle, où l’on confond prestige et service public, faste et fierté nationale. On ne bâtit plus pour le peuple, mais pour la gloire de celui qui gouverne à l’instant T et de ses potes puissants. Et pendant que les projecteurs éclairent le marbre et les dorures, le pays, lui, s’enfonce dans une dictature tranquille.
La Maison-Blanche a toujours symbolisé la démocratie américaine, aussi imparfaite soit-elle. Elle devient aujourd’hui le miroir d’un culte de la personnalité sans limite, celui d’un homme débordant d’ego, incapable d’aligner cinq mots en anglais correct sans insulter les gens autour de lui, persuadé que l’Histoire tourne autour de sa personne. Le monde a déjà connu ce genre de personnage sans grande valeur humaine - pourtant très populaires de leur temps - et ça ne s’est jamais bien terminé…