Ah, le « wokisme » ! Ce mot-valise brinquebalant, qu’on agite comme une crécelle de kermesse pour couvrir le vacarme réel des luttes, qu’on brandit comme une pancarte pour dire « circulez, y a rien à comprendre », alors qu’il y a tout à entendre.
Les conservateurs et leurs cousins d’extrême droite en ont fait leur talisman, une formule magique qui transforme, d’un coup de langue, les féministes en sorcières, les antiracistes en ennemis de la nation, les écologistes en hystériques, et les défenseurs des minorités en sectaires.
On connaît la troupe. Zemmour, toujours lui, ce coq famélique qui parade sur son tas de fumier médiatique, décoré de condamnations pour incitation à la haine comme d’autant de médailles en toc. Finkielkraut, professeur de nostalgie, répète son latin scolaire comme un mantra : « c’était mieux avant » (mais avant quoi, avant qui, mystère). Retailleau, évangéliste du Puy du Fou, rêve d’un monde où les chevaliers brandissent la croix pendant que les paysans se taisent. Et là-bas, en embuscade, Trump, le roi de la vulgarité triomphante, qui a transformé l’insulte en politique, le mensonge en religion et le mot « woke » en épouvantail pour vendre son ressentiment comme on écoule des jetons dans un casino en faillite.
Ces prophètes de l’anti-wokisme ont tous la même litanie : « on ne peut plus rien dire ». Ils la chantent sur les plateaux télé qui leur appartiennent, dans les colonnes des journaux qui leur ouvrent grand les bras, et jusque dans les best-sellers que publient à grand tirage les plus grandes maisons. Ils se posent en martyrs de la liberté d’expression, mais monopolisent la parole comme des forains jaloux de leur micro. C’est le paradoxe grotesque de notre époque : l’oppression déguisée en plainte.
Au fond, leur peur est simple, triviale. Ils redoutent que le monde leur échappe. Ils craignent la femme qui demande son dû, l’homme noir qui refuse l’humiliation, l’homosexuel ou le trans qui s’affiche, le climatologue qui annonce la fin du confort. Ils tremblent devant l’idée que leurs certitudes, fruits de siècles d’oppression coloniale, patriarcale et religieuse, ne soient plus gravées dans le marbre. Alors ils s’arc-boutent, piétinent les Lumières, escamotent la science, bricolent des fake news et propagent des complots infantiles, relayés par les réseaux sociaux et des médias dociles.
L’anti-wokisme n’est pas une pensée, c’est un spasme. Un réflexe de panique morale. Le cri de guerre des anciens maîtres qui refusent la contestation de leur empire. La grimace d’un vieux monde qui n’accepte pas qu’on lui tende un miroir. En vérité, rien de neuf : toujours la même peur, toujours la même haine du rouge au juif, qui prospèraient dans les années 30, repeintes aux couleurs criardes du XXIᵉ siècle du woke a l'arabo-musulman. Quitte à singer l'islamisme rigoriste et ça c'est a mourir de rire.
Le wokisme
Modérateur : Betatest